....Tout près, la cathédrale étonne aussi, mais par sa façade : au péristyle ionique abritant le cénotaphe, genre troubadour, du premier Comte de Savoie : casques, panaches, gestes de théâtre, ce n'est qu'un placage du XVIIIème siècle finissant. Passons, poussons la porte, descendons quelques humbles marches. Pour le coup, voilà tous les styles bizarrement confondus ! Lourds piliers romans, voûtes et fenêtres ogivales, dalles funéraires usées, tombeaux d'évêques, chapelles modernes et trop modernes; chaque époque ici a laissé sa marque d'un goût plus ou moins satisfaisant.
Ceci s'explique aisément : cette petite cathédrale étrange fut édifiée après le désastre de 1440. Point de matériaux durables et beaux dans les carrières du voisinage, et ses architectes ont dû faire ce qu'ils pouvaient pour utiliser ce qui était encore utilisable de la vieille cathédrale à demi effondrée sur les restes d'une église encore plus vieille dont on retrouve les traces dans une crypte noyée de terre.
;;;Sculptées dans le noyer du pays, matière brune, luisante et plaisante à l'oeil, ces quarante-deux stalles déploient de chaque côté du choeur leurs baldaquins gothiques dentelés.
Mochet, l'artisan de Genève qui composa et sculpta de bout en bout ce chef-d'oeuvre à la fin du XVème siècle, avant d'en travailler un autre aussi bien réussi dans la cité d'Aoste, mêlait au sentiment des convenances religieuses une verve réaliste et populaire. Cela se sent déjà, dans ses bas-reliefs, beaucoup mieux dans l'ornementation des accoudoirs et surtout des miséricordes, ces petits sièges mobiles où l'officiant, tout debout qu'il paraisse, s'assied en réalité. Il a figuré, dans ces miséricordes, des diablotins cornus, des objets de métier et de ménage, les animaux du pays, ceux des montagnes, ceux des étables qui meuglaient ou bêlaient sur le pré dit de l'Evêque, aux jours de foire.
A une place honorable dans les panneaux de Mochet on voit Sainte Thècle et Saint Gondran. C'est justice, ils sont les patrons de la cité. Au temps de Clovis, Thècle, montagnarde de Valloires, avait écouté avec tant d'émerveillement les récits de deux moines écossais de retour d'Orient, qu'elle prît son bâton et s'en alla. Elle revint apportant d'Alexandrie d'Egype, les os de deux doigts de Saint Jean-Baptiste. Le rassemblement de cabanes qui, à un carrefour de chemins, s'appelait alors Maurienne, recueillit ce trésor, trésor inestimable, les foules étant alors passionnées de reliques. La bourgade enorgueillie se baptisa fièrement du nom du précurseur et elle mit plus tard sa main bénissante dans ses amr;es.
H. Ménabréa - Revue de Savoie - Octobre 1954 - Librairie Dardel - 6 rue de Boigne - Chambéry
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