....Les comtes, les ducs de Savoie, puis les rois sardes associèrent, puis superposèrent leurs administrations à celle de la principauté féodale ecclésistique; ses caractéristiques en furent seulement adaptées aux conjonctures.
Cela explique qu'en pleine campagne, vers le Bonrieux, le torrent dévastateur, quelques tours satellites de la grande tour centrale aient l'air de monter la garde comme aux soirs où la cité redoutait une attaque arrivant du Dauphiné par les Arves.
Ceci fait comprendre l'aspect monumental du palais épiscopal et du collère, si rempli d'écoliers au XVIIème siècle qu'un voyageur anglais s'en étonnait.
Pourquoi ces arcades moulurées qu'aveugle une maçonnerie grossière, ces fenêtres à meneaux soutenant des vitres un peu cassées, ces ferronneries rouillées ne défendant plus rien de plus précieux qu'un débarras de vieux barils et de fagots ? Ce sont les restes d'une chapelle ou d'un couvent, ou d'un des hospices destinés aux pèlerins de Rome, souvent pauvres, parfois malades....Souvent Saint-Jean fut envahi par la misère; ses distributions d'aumônes y attiraient aux années de disette les "gallavourdeux", gens bien entendus très enclins à se montrer et à mendier auprès des voyageurs, au préjudice du renom mauriennais.
Sans doute, comme à La Chambre, dont les seigneurs, grands bâtisseurs de châteaux et protecteurs de couvents, furent longtemps, avec les évêques et les comtes, les maîtres de la vallée, comme dans le vieux Saint-Michel, village fortifié dont la route nouvelle ne franchît plus les entrées voûtées, il est heureux que les vieux quartiers deSaint-Jean aient été aérés, quittes à perdre de leur pittoresque.
On a bien fait, il y a plus de cent ans, de percer la rue ornée de portiques qui vit passer les dernières diligences d'Italie, claquements de fouets, trompettes de portillons qu'ont remplacés les cornes des automobiles. Les avenues nouvelles descendant vers l'Arc, la gare et la zone des grandes usines, où travaille aujourd'hui tout le pays, ont été tracées fort sagement.
Mais faut-il pour autant s'apitoyer sur la vieille ville ? Elle se recroquevillait dans ses remparts; c'était pour sa sécurité.....Quand on voyageait à cheval et à mule, l'étroitesse des rues ne gênait personne; on la jugeait même utile pour s'abriter du vent et favorable aux décors de fête : tapisseries et arcs de feuillage dressés pour l'arrivée d'un nouveau prince-évêque montée sur haquenée, ou pour un passage des comtes, des ducs ou même du roi de France quand il avait conquis le duché, ce qui arrivait souvent. Des cortèges fastueux entre ces maisons noirâtres ? Il est vrai, elles sont noirâtres comme dans toute la Maurienne et ont dû l'être toujours à cause des pierres dont elles sont bâties. Mais d'autres yeux que les nôtres les ont vues propres, neuves, animées par la vie d'un petit monde, généralement tenu, par ceux qui ont cherché à le connaître, pour aimable, sociable, cultivé.
Au XVIème siècle, Pelletier du Mans qui ne se contenta pas, comme tant d'autres, de traverser Saint-Jean, mais y fît "tout un temps de présence" parle avec enthousiasme et de la ville et de ses environs :
Meints ornements font le lieu digne et noble
Prez, chams, vergers et liquoreux vignoble.
Source : H. Ménabréa - Revue de Savoie - Librairie Dardel - 6 rue de Boigne - Chambéry - Octobre 1954
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