Lettre confiée par Mme F. habitante de Saint Jean de Maurienne.
Avec tous mes remerciements.
Aux Officiers, Sous Officiers et Soldats du Pas du ROC
Vous avez déjà reçu d'une manière très générale les félicitations de l'Armée et des diverses unités de la Vallée. Aujourd'hui avant de nous séparer, je veux vous donner la mesure de ma propre satisfaction.
En Août 1939, nous avons pris possession d'une caverne sombre, humide, froide et inachevée. En Juin 1940, le gros ouvrage du Pas du Roc, qui est déjà le plus haut de la vallée, devait être le plus beau, le mieux défendu, le plus glorieux. Cela est votre oeuvre à tous; je vous en félicite et je vous en remercie.
L'esprit de l'Ouvrage est né dans la tourmente des neiges au cours d'une coulée de bêton déjà célèbre. Je vous rappelle les autres étapes en deux mots : l'usine, le raccordement au secteur, le foyer, le roctage des nouveaux locaux, tous les multiples aménagements :intérieurs, éclairage, chauffage, ventilation, transmissions, enfin l'installation du bloc et des P.C. d'artillerie.
Vous avez travaillé en silence, presque ignorés. Rares sont ceux qui connaissent votre effort. Mais vous aviez les saines distractions et l'immense beauté de la montagne.
Je connais les artisans infatiguables de tous les jours et de toutes les nuits. Je connais aussi les ouvriers de la onzième heure : Que les premiers soient assurés de mon entière gratitude et tous d'une profonde affection, car au dernier moment les qualités de coeur ont racheté les heures de laisser-aller.
Vous avez le privilège de partir invaincus et de laisser l'Ouvrage intact gardé par un poste Français. Soyez dignes de cet honneur.
Vous allez partir et je vous demande une dernière chose. Vous avez travaillé certes mais vous êtes sains et saufs et vous n'avez pas connu les souffrances physiques et morales de l'immense majorité des Français. Votre mission maintenant est d'être les artisans acharnés du relèvement et de l'indépendance de la Patrie.
N'écoutez pas ceux qui, effrayés par l'immensité de la tâche, prècheraient la facilité, l'abandon ou le désespoir, mais groupez-vous autour de ceux qui veulent travailler en silence.
Aux heures sombres qui peut-être nous attendent, tournons nos regards vers les cîmes de Savoie, éternel symbole de grandeur et d'énergie, et vers notre Pas du Roc qui dort là-haut dans l'éclatante splendeur des neiges.
Le Capitaine CHANSON Commandant l'Ouvrage du Pas du Roc
Pas du Roc le premier juillet 1940;
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